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Plus qu'un monument de la littérature alpine, Le Fou d'Edenberg est un grand et vrai livre, vital, toujours d'actualité, pour tous, même si les amoureux de la montagne des alpages et des petits villages de haute solitude seront comblés, avec ses senteurs, ses lumières, ses tintements de cloche, ses ruisseaux cristallins, ses hommes confrontés à la rudesse de la nature. Ce roman frisant les 500 pages avait valu à son auteur, Paul Gayet-Tancrède alias Samivel, d'être nommé à l'âge de 60 ans pour le prix Goncourt 1967, lequel prix fut décerné à André Pieyre de Mandiargues pour La marge, un bouquin de la fameuse collection Blanche. Preuve en est que Samivel, immense illustrateur auquel Henri Filippini et Jacques Glénat avait jadis consacré un volume de la collection Schtroumpfanzine, s'avère un formidable écrivain. Ce volume, quasiment son unique roman, reste l'une des pierres angulaires d'une oeuvre littéraire essentiellement constituée de nouvelles, chant d'amour à la montagne, chronique d'une destruction annoncée et choc des civilisations entre des communautés séculairement repliées et la quête du profit engendrée par l'or blanc. Bref, un seul mot qualifie ce pavé : jubilatoire. Pour ma part, ce livre est aussi associé à un souvenir. Voici quelques années, invité au (formidable) festival des sciences de Chamonix, j'avais poussé jusqu'aux Contamines pour voir la maison où résidait Samivel de son vivant, un chalet d'alpage au-dessus du bourg, lequel appartenait alors au directeur de la chaine des librairies Album. Me désaltérant à une petite fontaine roucoulante, je vis un gamin m'aborder. Tout naturellement, le marmot me dit qu'il se relevait parfois le soir en cachette de ses parents pour admirer la montagne au couchant, puis s 'en alla comme il était venu, candide. Décidément, la montagne compte encore des Siméon. Voici trois décennies que ce livre n'a pas réédité, dommage, surtout en constatant le nombre d'inepties qui s'alignent dans les rayons étriqués des librairies. Les quelques exemplaires disponibles se dénichent encore actuellement sur la planète virtuelle. Le Fou d'Edenberg, Albin Michel, Paris, 1967.