jeudi
Sébastien Japrisot, souvenirs, souvenirs...
Un soir d'automne, sombre, froid, sinistre, voici quelques années. Un train. "Vous descendrez en gare de Chamouille." m'avait-on indiqué. A Chamouille, moi j'déboulle. Sur le quai, une silhouette solitaire. L'inconnu m'aborde.
- " Etiez-vous avec Régine ?
- Régine ?
- Oui, Régine Desforges.
- Du tout.
J'apprends alors que j'aurais du faire le trajet avec elle. Dans ce cas, elle doit être avec Alphonse, conclut l'homme. Tiens, Lamartine est aussi de la partie ? Décidément pas banal comme entrée en matière...
La voiture de l'homme, une berline, direction Merlieux, dans l'Aisne. Dans sa résidence jouxtant l'église du village, une vingtaine de convives patiente depuis la fin d'après-midi. Dans cette salle, tous sont bien gais, un verre à la main. L'épouse de l'éditeur Denoël, fort sympathique, est contente de discuter d'autres choses que de littérature. Régine Desforges, Alphonse Boudard arriveront plus tard dans la soirée. En les attendant, dans le groupe de convives, un homme en veste américaine se détache, l'allure d'un vieil ado, goguenard, ronchon et insolent, Sébastien Japrisot... Une anecdote, puisque prescription il y a. Au cours du souper, Sébastien Japrisot appele "Lucien" Alphonse boudard. A plusieurs reprises. Ce qui devait arrivé arriva : Boudard éclata de colère, prit le goguenard à parti devant tout le monde, sur le mode "Tu me prends pour un con, je ne suis pas Lucien Bodard et tu le sais ! ", puis se tut le reste du repas, renfrogné, bougon. Ambiance.
Sébastien Japrisot, auteur de Compartiment tueurs.
De cette nuit blanche passée avec ce grand monsieur date précisément mon envie d'écriture. Japrisot n'ignorait nullement Boudard et le prenait en effet pour ce dont sa victime s'était qualifié. Balance. Et puis, il y aurait un livre à écrire sur un certain grand-père, proxénète marseillais du début du siècle...